MERCURE DE France.
- VE R S fur le même.
R
Eine des esprits Sc des cœurs , Mere des Amours & des Graces , Cet enfant vif Sc doux qui vole sur vos traces; Qui prend dans vos beauxyeux des traits toujours vainqueurs,
Ce Dieu que vous suyez Sc qui vous suit fanscesse ,
;Ce Tyran dangereux ... je l'invoque aujourd'hui.
Lui seul peuc m'inspirer , adorable Déesse ,
Des vers dignes de vous , de moi-même & de
lui.
Dans des temps plus heureux Apollon moins sévere ,
Escorté des jeux & des ris,
A daigné quelquefois fur mes/oibles écrits
Verser l'heureux don de vous plaire;
Depuis que j'ai quitté Paris ,
Ces Dieux dont j'étois tant épris,
M'abandonnent à ma misere.
Ils m'ont ôté l'att de rimer ,
L'art de penser & l'art d'écrire,
Je oe fçais plus que vous aimer,
Je ne fçais pas même le dire.
Et vous aussi , Madame , vous m'abanilonriez. Quoi 1 pas un seul petit mot de nouvelles, tandis que vous avez la cruauté de m'avouer que tout Paris en sourmille; vous m'en envoyez généreusement quand je ne vous en demande pas , & lorsque vous voyez que j'en ai besoin , lorsque je me jette à vos genoux pour en avoir.... Oh 1 c'est une friponnerie inexcusable. Quoi qu'il en soit, il paroît qu'on a la Bonté de trie retenir ici. captif; car aujourd'hui que je comptois retourner i Montargis 9 on a eu la précaution d'envoyer le Cocher de très-grand matin à Chamberjot chercher je ne sçais quoi ; en forte que, bon gré malgré, me voilà enchaîné au château de Courtoisie , puisqu'il vous plaît de l'appeller ainsi. Mais, que fais-je le jour & la nuit?
Je dors. Les deux flambeaux du mondé
Sont témoins de ma paix profonde;
Ils ont vu ( Dieu sçait de quel ceil )
Au lit, ou dans un grand fauteuil,
Végéter mon ame imbecille ,
Au monde , à soi-même inutile;
L'éternelle nuit du cercueil
Est plus noire , mais moins tranquille.'-
Ce passe-temps me plairoit fort::
J'honore & chéris la paresse.
En vain aux sources du Permesse
Mon génie affaissé s'élance avec effort,
Et veut au moins par quelque ivresse
Distinguer la vie & la mort;
Le grand jour l'irrite & le bless«:
Sous le joug charmant qui {'oppresse,
Bientôt il succombe, il s'endort
Au sein de la douce mollesse.
Cependant je bénis le fort,
Qui pour vous dans mon cœur nourrit une terrdresse,
Que vos amans, que vos amis
N'égaleront jamais , & qui joindra fans cesse Les transports de l'amour aux semimens d'un fils. Recevez ce ferment pour le bonbon promis; J'adore avec respect , ô ma chere Déesse , Votre esprit enchanteur , vos graces, vos attraits;. iVos beautés fans défaut, vos vertus fans foiblesse r tes chante qui pourra, je les sens, je me tais.